Les vendredis de l'angoisse - Une Raison d'agir - EP 8

1/31/2014 09:00:00 PM Esteren 0 Comments

Pendant tout l'hiver, quoi de mieux que le feuilleton d'une petite nouvelle horrifique pour animer vos soirées auprès du feu ?

Chaque vendredi, à 21 heures, nous vous proposerons un nouvel épisode de la nouvelle "Une Raison d'agir" écrite par Iris, l'une des auteurs des Ombres d'Esteren. Cette nouvelle sera publiée dans un recueil nommé Hantises, à paraître en 2014. Vous retrouverez plus d'informations sur cette future publication ici.

Vous pouvez retrouver les épisodes précédents :

Dans l'épisode précédent ...:

Je me retournai pour prendre appui et élan, mais ce que je vis m’arracha un cri. Je crus voir son visage se déformer et prendre la forme d’un masque grimaçant, noirâtre. Mon coup perdit le peu de force qu’il avait. J’étais paralysée par la peur. Une partie de moi me suppliait de reprendre le dessus sous peine de mourir, mais c’était plus fort que moi, je n’arrivais pas à bouger. Tandis qu’il me tirait à lui, j’avais l’impression d’être une mouche immobilisée par une araignée qui s’apprêtait à la dévorer vivante.


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Une Raison d'agir - épisode 8



« Ma chambre est là. »

Je m’entendis dire ces paroles, j’ignore même pourquoi. C’était une tentative pathétique pour le calmer alors qu’il semblait sur le point de déchaîner toute sa violence sur moi, et qu’il devait savoir que je voulais lui échapper.

« C’est bien, allons-y. »

Encore une fois cette impression d’absurde me revint et je ne savais plus si je devais avoir peur des coups ou de devenir folle. Il faisait très sombre. J’ouvris la porte, mais il me tenait fermement un bras.

« Je vais allumer la lumière. »

Il acquiesça, sans me lâcher. J’allai tout droit, laissant mon armoire et mon lit à ma droite, pour me diriger vers une coiffeuse munie de tiroirs sur laquelle se trouvait un chandelier. La clarté de la bougie me permit de voir le visage de Cethern dans la glace devant moi. Je ne pouvais m’empêcher à ce moment d’avoir l’espoir fou que je me trompais, que c’était une sorte de plaisanterie cruelle, qu’il allait redevenir lui-même. Je le souhaitais tout autant que je n’y croyais pas, et j’étais proche de désespérer. Cet ennemi qui avait surgi chez moi par cette nuit d’orage pouvait m’infliger les pires sévices : il était bien plus fort, il avait une armure presque organique, et j’étais seule. Les larmes me montèrent aux yeux. J’hésitais à me résoudre à mon sort.

Le visage de Cethern dans le miroir… Les mains gantées de métal, il m’enlaçait en me plaquant contre le meuble, il me griffait bien plus qu’il ne me caressait et arrachait des pans de tissu de ma robe. Contempler son reflet qui me serrait et me lacérait, parfois jusqu’au sang, lui arrachait des rires d’une joie mauvaise. Comment tolérer cela, même d’un faux Cethern ? Certes, nous nous étions mariés sur un malentendu, mais il restait pour moi comme un frère. Allais-je supporter qu’un monstre utilise son visage comme un masque, le souille et m’inflige cela, à moi ?

Non ! J’étais encore vivante, je serrai les dents et ne criai pas. Le monstre haletait tant que de la buée commençait à couvrir le miroir.

« Laisse-toi faire. »

Apparemment j’avais dû me crisper, le gêner, je ne sais pas. Il me mordait le cou et l’épaule, s’excitait, mais comme je l’avais présupposé, son armure ne lui permettait pas d'en venir facilement aux fins qu’il escomptait. C’était stupide, ça l’énervait, il devait au moins défaire la solide coquille qui le protégeait des mauvais coups sur les parties sensibles de son anatomie. Le problème était d’y parvenir d’une seule main, en portant un gant d’armure. Il n’était que force brute et pulsion, il ne réfléchissait pas beaucoup. Soudain, je pris conscience de ce que j’estimais être de la stupidité. Ce fut comme une révélation. Cet être qui m’avait terrifiée était primaire, sans subtilité, et j’avais été bien sotte de ne pas m’en rendre compte plus tôt et de ne pas en avoir tiré parti d’une manière ou d’une autre.

Il me prit par mes nattes pour me coucher sur la coiffeuse d’une main et relever ma jupe. Je ne touchais plus le sol, j’étais presque le nez contre la glace désormais totalement couverte de buée. Je sentais qu’il n’en pouvait plus de se coller contre moi, il griffait mes cuisses, m’écrasait péniblement entre lui et le bois. Mais il luttait toujours avec sa coquille, et les griffes de ses gants de métal se retournaient contre lui.

Ma tête fut tirée brutalement en arrière par l’étranger qui prenait mes nattes pour des rênes, et j’écarquillai les yeux de surprise. Une main invisible écrivait à l’envers sur le miroir. Était-ce la réalité ou une création de mon esprit qui cherchait désespérément à échapper à la fin sordide qui m’attendait ?

« Bats-toi. Tue-le. »

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Rendez-vous vendredi prochain à 21 heures !

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