La nécessité des relectures

3/28/2015 05:42:00 PM Nelyhann 1 Comments

Lorsque je me déplace en convention, un certain nombre de créateurs en herbe me demandent des conseils sur la manière de gérer les relectures. Je suis en ce moment même en train de valider les maquettes du Manuel de la Lune noire et c’est l’occasion de vous expliquer notre façon de travailler sur la gamme Esteren.

Petit préambule : ce qui suit n’a aucune autre prétention que de décrire notre façon de faire. Nous sommes des autodidactes et notre méthodologie s’est façonnée au fil de notre parcours. À vous de faire le tri dans tout cela.

Au fur et à mesure de l’évolution de la gamme, nous avons mis au point un processus qui se décline en plusieurs étapes :

  • Écriture de la première version du texte. C’est la base. L’auteur va produire son texte.
  • Première phase de relecture de fond. Un ou plusieurs relecteurs vont s’attacher à décortiquer la structure du texte et à mettre en évidence ses faiblesses, contradictions, manques ou excès. Le texte de base va subir des réécritures, qui peuvent parfois être massives. Il peut y avoir trois, quatre jusqu’à dix allers-retours. Chaque aller-retour peut prendre quelques jours… à plusieurs semaines. Les playtests pour les scénarios et règles apportent aussi leur lot de corrections. Lorsque le texte est validé, il part en relecture de forme. Iris et moi nous partageons le travail sur cette première phase.
  • Relecture de forme. La relecture de forme concerne seulement l’orthographe, la grammaire et la syntaxe. Cinq ou six relecteurs différents se succèdent sur chaque texte. J’ai assuré ce travail pendant les premières années du projet ; aujourd’hui, cette phase est orchestrée par Iris. Rendons gloire à notre communauté qui forme le gros des bataillons de nos relecteurs de forme. Vous pouvez lire leur témoignage ici, ou encore ici.
  • Validation finale. Chaque texte finit par me revenir. Je le relis et je le valide définitivement. Il peut encore connaître des modifications… parfois mineures, parfois plus lourdes.
  • Relecture maquette. Le texte final part en maquette et me revient mis en page. Une nouvelle phase s’ouvre : la relecture sur maquette. Un, deux ou trois relecteurs vont se succéder pour relire les maquettes. Oui, ils trouvent encore des fautes ! Surtout, leur rôle est de débusquer les coquilles (erreurs de mise en page, mauvais titre, oubli d’un renvoi de page, etc.).

Enfin, le fichier final peut être produit et préparé pour l’imprimeur. C’est aussi à ce moment que les PDF sont générés pour nos souscripteurs. Vous pensiez que c’est terminé ? Eh bien non ! Car nous aimons souffrir chez Esteren et nous faisons la traduction nous-même. C’est donc reparti pour un tour :

  • Traduction initiale. Les textes dans leur version définitive sont envoyés au traducteur qui va les traduire. La grande majorité est traduite par Clovis, LE traducteur des Ombres.
  • Relecture. Cinq ou six relecteurs dont la langue natale est l’anglais vont se succéder sur les traductions pour l’arrondir, fluidifier les tournures de phrases, corriger d’éventuelles fautes. Clovis est très bon dans son domaine mais l’anglais n’est pas sa langue natale. Là encore, ce sont des membres de la communauté qui font ce boulot bénévolement. Merci à eux !
  • Relecture maquette. Lorsque les traductions sont validées et la maquette réalisée… c’est reparti pour les relectures maquettes !

Et voilà, après plusieurs mois de labeur, nous avons nos fichiers. Un premier constat s’impose : la relecture prend généralement plus de temps que l’écriture en elle-même ! Il vaut mieux le prendre en compte dès le début du projet avant de faire des plans sur la comète concernant les dates de sortie…

Les bons outils


Nos techniques et les outils utilisés ont évolué au fil du projet. Pour les relectures sur texte, nous avons instauré un système de nomination qui permet de distinguer les versions entre elles. Ma camarade Iris a largement participé à améliorer l’organisation que j’avais initiée.

Le titre d’un fichier commence comme ça :
[OdE_Occ_01-01]Chap_1_Occultisme_en_Tri-Kazel_(Relu_Fond_)_(Relu_Forme_).doc

Et termine comme ça :
[OdE_Occ_03-01]Chap_3_Une_chambre_bien_rangee_(Relu_Fond_K_NINININI)_(Relu_Forme_KNd-I-La-I-F-B-O-I).doc

[OdE_Occ_01-01] indique la gamme (OdE = Esteren), le livre concerné (Occ = Occultisme), son placement dans le chemin de fer (01-01 : troisième chapitre, premier texte), les relectures de fond (Relu Fond) et les relectures de forme (Relu_Forme). Dans la seconde version (qui est d’ailleurs la version définitive pour ce texte), vous constatez qu’il y a eu au total 19 cycles de relecture… ! Là où vous lisez « NINININI », ce sont les allers-retours entre Iris et moi.

Chaque relecteur a donc sa lettre. Cette signalisation est essentielle car sinon, on se retrouve très très vite perdu ! Avec des dizaines et des dizaines de fichiers…

(Pour l’anecdote, en fait, il y a eu sur Occultisme encore d’autres cycles de relectures en amont, mais remontant à avant l’instauration du système des lettres apparaissant dans le titre !)

L’autre outil indispensable est le mode « suivi de modification » que l’on peut activer sur la majorité des traitements de texte. Il permet à votre relecteur de voir les corrections réalisées afin qu’elles puissent être validées ou rejetées. C’est le rôle du coordinateur (Iris ou moi) de valider ou rejeter une correction. Lorsqu’un texte est envoyé à un relecteur, celui-ci va renvoyer son texte annoté au coordinateur, qui va le valider puis l’envoyer à un nouveau relecteur. Et ainsi de suite pour les différents cycles.

Un autre outil très pratique est l’annotation des maquettes sur un logiciel comme Acrobat. Ca donne ça :



Du coup, la maquettiste repère tout de suite la correction à faire. Au début du projet, on notait tout à la main sur des traitements de texte… l’enfer. En gros, ça donnait ça :



Toutes les corrections maquettes sur le Livre 1 Univers ont été réalisées comme ça (gloups). Pendant un temps, on a aussi imprimé les maquettes pour les annoter. En fait, c’est une bonne technique, rien ne remplace la relecture sur une épreuve imprimée. Pour l’instant, nous privilégions la relecture avec annotation sur logiciel type Acrobat, plus adaptée au travail à distance.

Le dernier outil mis en service, c’est Redmine. Il s’agit d’un logiciel de gestion de projet. Très utile, très performant : une sorte de révolution pour nous. Sur ce sujet, je laisse la parole à Iris qui maîtrise bien mieux que moi la bête. Je m’adapte peu à peu mais je continue à gérer pas mal de choses avec mon tableau de bord Excel…

Pourquoi tant de monde ?


Sur certains textes, il y a une dizaine de relecteurs qui vont se succéder. Cela peut paraître beaucoup mais ça ne l’est pas. L’une des raisons principales étant qu’un unique relecteur ne verra pas tout. De plus, il faut prendre en compte un aspect physiologique : il ne sert strictement à rien de relire plusieurs fois un même texte. Notre cerveau s’adapte très vite et corrige lui-même les erreurs. Vous ne verrez l’énorme faute que plusieurs mois après, quand vous aurez oublié le texte… dans le livre imprimé bien sûr !

Une équipe de cinq relecteurs est à mon sens un minimum.

En conclusion


Depuis la naissance du projet, j’ai pu suivre la naissance d’une dizaine de livres. Un constat s’impose : les phases de relectures sont nombreuses, fastidieuses mais elles sont essentielles. Elles prennent beaucoup de temps et vous pourriez être tentés de faire l’impasse sur un ou plusieurs cycles de relecture, voire sur des pans entiers (comme la relecture maquette). Vous prenez un très gros risque…

Plus j’avance dans ce projet, plus ce constat s’affirme. Certains demandent : l’effort consenti est-il à la hauteur du gain de qualité ? Des mois de « perdu » ? Après tout, les quelques coquilles, bug dans les scénarios ou une règle mal calibrée… tout cela a-t-il vraiment tant d’importance ? Oui ! Réaliser un livre peut facilement prendre plusieurs années. Trop d’erreurs – les fameuses coquilles – et c’est l’ensemble de votre travail qui en souffrira.

Il n’y a pas de mystère, personne ne sort un texte parfait d’une seule traite. Les relectures font partie du processus d’écriture – et de réécriture. Elles prennent du temps et il est sage d’en tenir compte lorsque l’on essaye d’établir un planning.

1 commentaire:

  1. Perso je suis en train de lire un livre qui est une exclusivité France Loisirs, et je peux dire que France Loisirs ne met PAS DU TOUT l'accent sur la relecture. Je trouve une coquille toutes les 10-20 pages, parfois plusieurs d'affilée, c'est un véritable calvaire, ça coupe totalement la lecture...

    Il n'y a que les ignorants et les nuls en orthographe/grammaire qui ne sont pas choqués par ce genre de chose... C'est dommage :(

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